Jusqu’au 2 juillet 2012.
Reprise de la mise en scène endiablée de Coline Serreau dans une Espagne allègre mais soumise très longtemps à l’emprise mauresque.
Situation rêvée pour ancrer l’argument de cet opéra enlevé et joyeux, dans lequel triomphent à nouveau le ténor Antonino Siragusa dans son rôle de prédilection et la magnifique soprano Karine Deshayes.
On ne se lasse pas de cette mise en scène réglée comme du papier à musique. Tout se joue dans les regards, les apartés, les déplacements comiques des chanteurs très à l’aise. Pas de temps morts, mais un crescendo jusqu’à la dernière seconde où le rire se mêle à l’instant vrai et à l’intensité des sentiments. Le choeur, tantôt gueux, tantôt gens d’armes, évolue dans des chorégraphies pleines d’humour mettant en valeur la magnifique voix du comte Almaviva qui jaillit claire et puissante.
La sérénade du ténor Antonino Siragusa nuancée enivre et crée un univers poétique qui rompt totalement avec la farce. En clins d’oeil, la mise en scène se plaît à varier les univers : quelques notes de la Panthère rose, un numéro 10 offensif, des coups de poings esquissés, un pistolet menaçant, un voile sur la tête, mêlent les références avec espièglerie et cocasserie. L’enjeu reste didactique : la précaution s’avère inutile, titre complet de la première pièce de la trilogie de Beaumarchais. Inutile d’enfermer, on sortira par la fenêtre, inutile de brimer, on fait naître le désir de l’interdit. Cela résonne tout à fait pour la femme encore aujourd’hui dans certaines contrées. La superbe grille de fer tombe bien lourdement sur la scène et les tours de clés sonores en sont l’écho.
Karine Deshayes campe une Rosina, entière, très juvénile, prête à tout pour se libérer de ses chaînes. Coline Serreau habilement lui fait déchirer la grille ouvragée de dessins mauresques pour son premier grand air. Elle détruit, sous la colère, le salon de Bartholo, rouge et chaleureux, emplis de tapis et de larges coussins. La soprano multiplie les virtuosités avec nuances et puissance. Vive et enjouée, elle crée avec grâce une Rosina, espiègle et rebelle qui ondoie et badine dans la leçon de chant. Maurizio Murano en Bartolo excelle en barbon sentimental, pas bien méchant, bon vivant qui ne manque pas d’humour. Il imite à ravir les intonations et mimiques de Karine Deshayes ou d’Antonio Siragusa.
La scène de la barbe menée par Tassis Christoyannis – Figaro est très drôle. Carlo Cigni en Basilio enchante dans sa calomnia et Berta Fisher a été très appréciée en Berta délurée et loufoque. Enfin saluons le magnifique Antonino Siragusa, ovationné à plusieurs reprises, séducteur hors pair, drôle et enchanteur.
Marie Torrès
Le Barbier de Séville
De Rossini
Mise en scène de Coline Serreau
Décors : Jean-Marc Stehlé et Antoine Fontaine // Costumes : Elsa Pavanel // Lumières : Geneviève Soubirou // Chef de Chœur : Alessandro Di Stefano
Avec Antonino Siragusa (Il Conte d’Almaviva), Maurizio Muraro (Bartolo), Karine Deshayes (Rosina), Tassis Christoyannis (Figaro), Carlo Cigni (Basilio), Vladimir Kapshuk (Fiorello) et Jeannette Fischer (Berta)
Orchestre et choeur de l’Opéra national de Paris
Tarifs : 5€, 15€, 40€, 75€, 95€, 115€, 135€, 155€ et 180€
Opéra Bastille
130, rue de Lyon
75012 Paris
[Crédits photos : Opéra national de Paris/ Ch. Leiber]
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