Un été avec Coo

{xtypo_dropcap}E{/xtypo_dropcap}n faisant se renconter un écolier japonais et un "jeune" esprit de l’eau endormi depuis 300 ans, Coo n’est pas seulement une habile fable sur les croyances japonaises, mais aussi une ode lumineuse à la nature et à l’amitié. L’animation nippone est définitivement pleine de ressources…

Voici 300 ans de cela, les hommes s’apprêtent à assécher les marais. Caché sur le bord de la route, deux étranges créatures attendent deux notables pour les convaincre de revenir sur leur décision. Ce sont des Kappas, des esprits de l’eau, un père et son fils. Effrayés par cette rencontre, les hommes deviennent vite agressifs. Le jeune Kappa voit ainsi son père mourir sous le sabre du notable, un drame qui devient chaos lorsqu’un tremblement de terre l’engloutit soudain… 300 ans plus tard, Kôichi, jeune écolier, rentre chez lui. Prêt du canal qui coule non loin de sa maison, il trouve une pierre étrange ornée d’un superbe fossile. Il ramène sa trouvaille en cachette chez lui et passe la pierre sous l’eau… lorsque le fossile se réveille ! Partageant le secret avec ses parents et son poison de petite sœur, Kôichi se rend à l’évidence : il a trouvé un Kappa, un esprit de l’eau comme on en a plus vu depuis si longtemps qu’il sont devenus des légendes. Coo trouve peu à peu sa place dans la famille de Kôichi, mais la rumeur de cette découverte, alimentant la curiosité des médias, pourrait transformer ce bonheur en cauchemar. Ne reste plus à Kôichi qu’une solution : trouver d’autres Kappa avec lesquels Coo pourrait vivre heureux…

Couvert d’éloges par de grands noms du dessin animé nippon, dont Isao Takahata (le tombeau des lucioles) Un été avec Coo adapte brillamment deux livres de Masao Koguyre. Ceux-ci mettent en vedette l’un des piliers de la mythologie japonaise : les esprits. Ils sont innombrables, chaque région a les siens, rattachés à leurs propres traditions ou anecdotes. Bénéfiques ou maléfiques, tous sont respectés, sollicités, vénérés. Coo est un esprit très populaire : un esprit de l’eau, nommé kappa. Très puissant, farceur mais noble d’âme, le kappa a un bec d’oiseau, la taille d’un enfant de trois ans, un corps de grenouille, une démarche de manchot et sur la tête, au centre d’une couronne de cheveux, une assiette qui doit toujours être humide. Et bien que nous soyons peu familiers de ce bestiaire fantastique, Coo sait se faire adopter ! Réaliste et habile, l’histoire nous explique tout du Kappa tout en alimentant un réel suspens qui atteint un sommet étonnant d’émotion et d’intensité. Confronté à la méfiance, l’avidité, la civilisation de l’image qui est la notre, ce représentant des traditions met nos excès en relief, et pointe de sa sagesse les dangers qui nous guettent.

La découverte de Coo, son adoption laborieuse par la famille, puis leur résistance face à une civilisation qui pourrait mettre le kappa en danger, toutes ces étapes racontées en compagnie du touchant petit Kôichi ne constituent qu’un aspect du film. Car lorsque le jeune garçon part à la recherche d’un havre de paix pour son ami, le film devient un hymne à la nature sauvage, au bonheur simple du soleil et de l’eau. Exploitant à merveille "le thème éternel du petit garçon passant une journée d’été inoubliable" comme le dit Mamoru Hosoda (réalisateur de La traversée du temps), Un été avec Coo est un superbe film sur l’amitié telle qu’on peut la vivre enfant, et d’une envergure écologique à vous donner envie de vous asseoir au bord d’une rivière pour y tremper les pieds… Servi par une animation agréable et une belle musique, le film est réalisé par Keiichi Hara, célèbre pour réaliser chaque année un film des aventures de Crayon Shin-Shan, véritable Petit Nicolas japonais très populaire auprès du public familial. Avec Coo, il signe une réussite qui séduira aussi bien les petits que les grands.
 

Frédéric Lelièvre

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