Suivant un plan aussi génial qu’improbable, un petit garçon silencieux entend ramener à la maison un père qu’il n’a pas connu. Malicieux, tendre et tout en finesse, ce conte venu de Pologne est une découverte à ne pas louper.
On craint d’abord une lenteur contemplative et démoralisante. Mais en emboîtant le pas du petit Stefek, c’est dans la magie de l’enfance où tout est possible que l’on retourne. Sans décrocher de la réalité, par petites touches, ce film joliment réalisé nous fait le complice des espoirs de ce gamin silencieux. Bien mieux qu’avec de longs exposés. Un film personnel, intelligent, original et finement poétique. A découvrir!
F.L.
Bientôt testé !
{xtypo_dropcap}S{/xtypo_dropcap}uivant un plan aussi génial qu’improbable, un petit garçon silencieux entend ramener à la maison un père qu’il n’a pas connu. Malicieux, tendre et tout en finesse, ce conte venu de Pologne est une découverte à ne pas louper.
La jeune Elka s’occupe de son petit frère de 10 ans, Stefek. L’été s’annonce doux et monotone dans leur petit village oublié, et la jeune fille espère pouvoir décrocher un travail mieux payé. L’une de leur principale attraction consiste à venir à la gare voir s’arrêter les trains de banlieue qui emmènent les voyageurs à leur travail. Pendant quelques minutes, les trains s’arrêtent et certains voyageurs descendent se détendre sur le quai. L’un de ces voyageurs attire toute leur attention. Cet homme, Stefek le devine, est son père, qui les a quitté avant qu’il ait pu le connaître. Avec les moyens d’un petit rêveur de 10 ans, il va tout mettre en œuvre pour que cet inconnu rentre à la maison. Avec quelques pièces de monnaie, des soldats de plombs, des envolées de pigeons et une persévérance héroïque, Stefek va s’accrocher à son rêve de toutes ses forces au point de convaincre à le suivre sa grande sœur et le petit ami de celle-ci, Jerzy…
Méconnu, le cinéma polonais traîne une réputation pas forcément positive, associée à des univers sombres et plutôt déprimants. Ce film indépendant bouscule cette équation avec un savoir-faire de conteur, distillant une réelle poésie. L’histoire se déroule dans une petite ville post-industrielle oubliée, avec ses rues grises et ses façades lépreuses. Mais les images sont chaudes, les couleurs lumineuses, et on se dit qu’il ne doit pas être si désagréable de grandir dans ce coin de campagne. A l’instar de l’histoire elle-même, tous les personnages sont parfaitement réalistes, et si certaines disputes résonnent dans les escaliers, aucun personnage ne traîne d’ombre ou de mélancolie particulière. Une crédibilité nourrie par le jeu instinctif d’acteurs souvent non-professionnels, comme le petit Damian Ul, épatant dans le rôle de Stefek. Tirant profit de cet instantané tranquille du quotidien, le réalisateur filme avec une grande tendresse le petit garçon dans ses étranges entreprises, laissant au spectateur le soin d’en trouver la raison. Le titre original est Stzuczki, traduisez Trucs, dans le sens d’astuces. Car comme un puzzle, le film révèle peu à peu le naïf et magnifique "piège à papa" du petit Stefek, empruntant les codes fascinants du monde de l’enfance pour délivrer son message d’espoir et d’amour.
Pour ses rares longueurs pardonnables, et surtout le refus de céder à la facilité de tout expliquer, le film de Andrzej Jakimowski exige peut-être une complicité plus active de la part du spectateur, et c’est tant mieux. Car pour les petits comme les grands, cela en vaut largement la peine tant les petites intrigues tissent un fil solide et habile. Jusqu’à un final qui a l’immense avantage de ne pas décevoir sans pour autant tomber dans le piège du coup de baguette magique. La rencontre est décidément belle et les acteurs touchants, le petit Damian et la jeune Ewelina Walendziak (Elka) en tête. Réalisateur et producteur indépendant, Andrzej Jakimowski a commencé dans le documentaire avant de se faire connaître avec un premier film abordant lui aussi le monde de l’enfance, Plisse les yeux, très remarqué dans les festivals. Il y révélait déjà son approche poétique et brillante, un don que ce second long-métrage confirme. Espérons que ce réalisateur nous surprenne encore souvent…
Frédéric Lelièvre
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