L’ile aux trésors

Il y a des films qui ont l’air d’être taillés pour le public le plus jeune… mais n’en ont que l’air. Cette petite rubrique est conçue pour vous épargner de cruelles désillusions en famille.
Gérard Jugnot, Jean-Paul Rouve, le roman de Stevenson, le réalisateur du Boulet, voilà une affiche qui sent bon le film grand public, le spectacle à même d’emballer les plus jeunes ! Et bien on en est loin. Nos plus jeunes cinéphiles risqueraient même une belle déception.

Berbérian s’est engagé dans la voie de la satire cruelle, une vision décalée nourri d’un réalisme cynique de ce classique de la littérature. Le principe est en lui-même parfaitement louable. Loisel a ainsi revisité Peter Pan en bande–dessinée, signant une véritable perle de noirceur qui est depuis devenu un classique de la BD franco-belge. Mais nous sommes très loin du compte avec le film de Berbérian. Pour resituer l’ambition des personnages, précisons que la belle Alice Tagliano joue un personnage qui assassine ses amants pendant l’orgasme, que John Silver perd le jeune Jim Hawkins aux cartes en jouant avec un pirate amateur de « chair fraîche », que l’on peut voir de prêt les restes du Dr Lievesey après qu’il eut servit de déjeuner à Ben Gunn… Et les amateurs de romantisme doivent se contenter d’une histoire d’amour (plutôt réussie celle-là !) entre un officier maniéré et un rude matelot exotique. On peut donc très légitimement hésiter à y amener des mineurs. Mais le plus embêtant, c’est qu’on peut aussi hésiter à y amener des adultes. Parti sur de bonnes intentions mais dépourvu de rythme et d’énergie, le film ne tient que par les efforts de ses acteurs, qui parviennent même à sauver plusieurs scènes. Empilant les « passages imposés » supposés signer un film de pirates, vide de sens, l’ensemble s’effondre dans un final consternant d’absence de tout. Pour éviter la confusion des genres et des publics, il eut été plus honnête que le film garde son titre original : La baronne et les pirates. Une grosse déception pour tous, qu’il n’est décidément pas nécessaire d’imposer à qui que ce soit, à commencer par les plus jeunes !