Le royaume interdit

{xtypo_dropcap}R{/xtypo_dropcap}éunion de deux légendes des arts martiaux, les portes de ce royaume kitsch s’ouvrent toutes grandes pour le plus grand plaisir des plus ou moins jeunes, amateurs de légendes et de bastons aériennes. Cela n’empêchera cependant pas les puristes du cinéma asiatique de grincer méchamment des dents…

Jason est un ado timoré à la vie sans éclat dont la seule passion se résume aux films de kung fu. Habitué de la boutique du vieux Hop, un antiquaire de Chinatown, il y découvre une canne, ouvragée comme celle dont on parle dans les légendes chinoises. Comme le fameux bâton du Dieu Singe, mythique héros qui fut changé en pierre par traîtrise. La même légende prétend que l’élu qui rapportera cette canne au Dieu Singe statufié le ramènera à la vie, et accomplira ainsi la prophétie… Victime d’une bande de délinquants qui le persécutent, Jason est contraint de les faire entrer dans la boutique de Ho. Le cambriolage tourne mal : Ho reçoit une balle et Jason s’enfuit avec la canne. Au cours de la poursuite, il tombe du toit… pour se relever en plein cœur de la Chine ancienne avec la mission de remettre la mythique canne à son non moins mythique propriétaire ! Nul en kung fu et complètement perdu, le jeune homme ne tarde pas attirer les problèmes. Jusqu’à ce qu’un ivrogne, reconnaissant la canne, se porte à son secours…

C’était un rêve pour beaucoup de voir enfin réunis sur un même écran les deux icônes du film d’action asiatique : Jackie Chan et Jet Li. Mais lorsque le rendez-vous fut fixé devant la caméra d’un réalisateur américain pour le compte d’une société hollywoodienne, la levée de bouclier ne se fit pas attendre, prédisant un désastre… Il ne fait aucun doute que les amateurs de films asiatiques seront forcément déçus de voir deux stars de cette dimension assurer des seconds rôles de prestige autour d’un jeune héros américain formaté. Vampirisant sans trop de respect les plus belles légendes chinoises, celui-ci n’évite pas toujours le ridicule… La colère des puristes est inévitable et compréhensible car, loin du duel au sommet fantasmé, ce Royaume Interdit est un film d’aventure familial associant féerie et combats. N’oublions pas que le réalisateur est un spécialiste : débutant chez Disney avec La petite sirène et la Belle et la Bête, Rob Minkoff a co-réalisé Le roi Lion avant de s’illustrer avec les deux premiers Stuart Little et Le manoir hanté et les 999 fantômes. Reprenant cette vocation, Le royaume interdit est une gentille aventure taillée sur mesure pour le jeune public…

Si l’histoire est avant tout celle d’un ado américain mal dans sa peau, ce qui ne brille guère par son originalité, on peut reconnaître un certain effort à présenter aux néophytes quelques sommets de la mythologie chinoise tels que le Roi Singe et la Diablesse aux cheveux blancs, déjà bien connus des amateurs même très jeunes. L’exécution de cette adaptation peu rigoureuse possède quelques atouts : les décors naturels sont somptueux, les couleurs très belles, les décors kitsch à souhait et enfin, argument essentiel de l’entreprise, les chorégraphies des combats sont mises au point par le maître Yuen Wo Ping pour deux géants du genre, qui semblent s’amuser à l’occasion de quelques combats spectaculaires. L’histoire est mince, le ton léger, l’humour innocent, le tout pimenté d’une féerie riche en clichés : le conte se regarde sans déplaisir, idéal pour un jeune public. Le vrai regret est assurément que les deux superstars ne se rencontrent que pour laisser la vedette à un jeune ado, piètre prétexte marketing pour le public américain… 
 

Frédéric Lelièvre

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