Gilles Brougère, Sociologue et Professeur de Sciences de l’Education à l’université Paris Nord, décrypte pour nous le phénomène des PetShop !

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{xtypo_dropcap}G{/xtypo_dropcap}illes Brougère, Sociologue et Professeur de Sciences de l’Education à l’université Paris Nord, décrypte pour nous le phénomène des PetShop !
Top-Parents : Comment pouvez-vous définir un phénomène tel que PetShop ?
Gilles Brougère : Il appartient aux formes actuelles de la culture enfantine de masse, quand au-delà de la vente (plus ou moins importante) d’un jouet, celui-ci se fait porteur d’images, de personnages, parfois d’histoires qui sortent de l’objet pour envahir, voire saturer la vie quotidienne des enfants. Le jouet est alors un élément qui participe à la construction d’un monde imaginaire qui se développe sur différents supports, accompagne l’enfant dans différentes activités pas seulement ludiques. Ici le jouet, PetShop est l’origine du mouvement, lui confère une logique qui s’enracine dans l’objet ou plutôt la multitude de ceux-ci, mais c’est plus que le jouet dans la mesure où il peut se détacher de celui-ci pour s’incarner dans d’autres médias.
Cette présence multiple fait du thème (ici du PetShop) un élément fortement présent de la culture enfantine, enraciné dans celle-ci, dans la mesure où elle en reprend des aspects traditionnels (la collection, l’intérêt pour le soin aux animaux domestiques, aux « pets » en anglais) tout en lui donnant une forme nouvelle, inédite, originale qui apporte nouveauté et séduction. La durée, l’ancrage dans la mémoire collective fera peut-être de ce phénomène un phénomène générationnel marquant dont on se souviendra comme on parle aujourd’hui de la génération Bisounours.

Pourquoi collectionner ?
G.B. : C’est par la collection que PetShop s’enracine dans la culture enfantine la plus traditionnelle, rencontre une activité très fréquente chez les enfants, une dimension essentielle de l’activité ludique. Chacun connaît la fascination des enfants pour constituer des collections d’objets à la fois identiques (des galets par exemple) et tous différents. Pouvoir disposer du nombre le plus important d’objets à la fois identiques et différents a quelque chose de fascinant. C’est le principe même de la collection. Si les objets diffèrent trop il n’y a qu’association d’objets sans unité, ce n’est pas une collection, si les objets sont trop semblables ce n’est qu’accumulation. Cet intérêt qui naît dans l’enfance est loin d’être abandonné par les adultes qui continuent pour beaucoup à collectionner. C’est un principe qui n’a donc pas d’âge il n’y a pas de raison que cela s’arrête, le tout est de trouver un thème de collection adapté à l’âge.
Mais il ne faudrait pas sous-estimer la spécificité de l’enfant (ou tout au moins du jeune enfant) collectionneur : Il s’agit d’une collection de jouets, d’objets avec lesquels on peut jouer, et la multiplicité des objets peut donner une valeur à un jeu qui va permettre de développer des scénarios avec des foules ! Plus l’enfant est jeune plus la logique du jeu dominera.

Comment pouvez-vous expliquer le fait que les petites filles aient envie de collectionner des
jouets PetShop ?

G.B. : Nous nous trouvons à la rencontre des deux éléments soulignés ci-dessus, un thème imaginaire
(le monde des animaux domestiques dans leur diversité) et un ensemble d’objets collectionnables du fait de leur unité et leur diversité. Ce sont des animaux domestiques, mais ils sont tous différents.
Dans une société où les univers ludiques et imaginaires restent marqués par des différences sexuées héritées du passé et qui peinent à bouger, le soin aux animaux, la relation aux animaux domestiques fait partie du territoire féminin. Mais on ne voit pas ce qui empêcherait les garçons de se mettre aussi à collectionner de tels animaux. Sinon que le jouet quand il prend une valeur de signe dans la culture enfantine, quand il est plus qu’un objet, devient le support de relations, d’échanges, de conversations ; il permet de constituer des communautés qui seront plus volontiers des communautés de filles, l’image devenant symbole d’appartenance, signe de ralliement.
Le PetShop est plus qu’un jouet, c’est un opérateur culturel, un élément qui vient signaler une appartenance, le partage d’intérêts communs, permettant de construire des complicités. On collectionne plus que des pets, on accumule des signes de connivences, des symboles d’identité. Et cela en relation avec une valeur importante de la culture enfantine plutôt féminine, le mignon, le cute. Il s’agit de la mise en scène du soin (care), de l’affection, de la protection. Plus le mignon (le « trognon ») est présent, plus cela suscite et légitime protection et attachement de la part du possible propriétaire. Collectionner les PetShop c’est multiplier les signes du mignon, de l’amour matérialisé dans des animaux, des objets. Or la question de l’attachement, de l’amour, de l’affection est centrale pour les enfants et plus légitimement exprimé par les filles. Nombre d’études ont montré comme le fait de prendre soin (le care) est un domaine marqué par le féminin dans nos sociétés.

Pourquoi un succès international ?
G.B. : L’idée d’animal domestique est largement répandue au sein du monde urbain, remplaçant une
faune peu présente dans ces univers artificiels. C’est donc un thème qui s’adresse à l’ensemble
du monde dit développé.

Les PetShop attirent les filles de 4 à 12 ans. Comment expliquez-vous que ces jouets intéressent
aussi bien les petites filles que les pré-ados ?

G.B. : La collection n’a pas d’âge, née dans l’enfance elle continue à l’âge adulte. C’est donc le thème qui permet d’intéresser des enfants d’âges différents, même si l’usage peut changer ; on
l’imagine plus ludique pour les plus jeunes, plus de l’ordre d’une collection systématique,
rationnelle, chez les plus âgées.

Aujourd’hui, on voit émerger de plus en plus de mondes virtuels sur Internet, pour les adultes
et pour les enfants. Que nous apportent-ils ?

G.B. : Il faut distinguer les mondes dits virtuels, des mondes imaginaires générés par l’informatique, de l’ensemble des usages ludiques d’Internet. Un monde virtuel est un monde persistant (qui subsiste même quand je ne joue pas) qui permet à des avatars, les personnages créés par les internautes en fonction des possibilités offertes par le monde, de circuler et donc de découvrir le monde, d’agir et dans certains cas de se battre avec d’autres avatars ou des êtres générés par la machine (non supportés par d’autres joueurs), d’accumuler des points, de les échanger contre des éléments virtuels qui peuvent donner de la force, permettre de décorer son espace, etc.
Il y a une forte diversité, mais où l’on peut distinguer les univers de jeux de rôle (ceux qui connaissent le plus grand succès) des univers de découverte et de rencontre où l’objectif est plus de découvrir, de chatter, mais peut-être aussi de se déguiser, de devenir autre. Il s’agit d’un mélange entre jeu et carnaval. Internet a inventé le Carnaval permanant, où je peux à longueur d’année me déguiser et interagir avec d’autres personnages déguisés.

Comment pouvez-vous expliquer l’engouement des enfants pour ces mondes virtuels ?
G.B. : On trouve dans ces mondes virtuels la traduction des principes essentiels du jeu : agir pour de faux, dans un univers différent du monde quotidien, en respectant un certain nombre de règles (imposées par la machine) mais qui permettent de décider, d’être un acteur, dans un univers incertain (l’interaction avec les autres fait que le résultat n’est pas prévisible) mais sans
conséquence. Une fois l’ordinateur éteint je reviens dans le monde réel qui n’a pas changé.

Comment se place PetShop ViPs dans l’émergence des mondes virtuels ?
G.B. : Il ne met pas en avant l’interaction avec d’autres joueurs dans un monde imaginaire persistant, mais plutôt des activités ludiques (des jeux vidéo) qui permettent de faire des gains qui transforment mon personnage. Le point commun avec d’autres mondes virtuels c’est le personnage (l’avatar) et la possibilité de le transformer. Nous sommes ici proche du support numérique ludique pour enfants, puisque la dimension principale des mondes virtuels, l’interaction avec d’autres joueurs, d’autres internautes n’existe pas.

Que peut apporter cette nouvelle façon de jouer à PetShop aux enfants ?
G.B. : Cette nouvelle façon de jouer participe de cette circulation entre supports que j’ai évoqué cidessus. Le PetShop sort de son enveloppe de jouet, existe sur d’autres supports, devient un thème, un personnage de la culture enfantine, existe au-delà du jouet. Il donne une valeur particulière aux jeux (mais aussi à la papeterie) conçus à partir de lui qui au-delà de leur intérêt fonctionnel spécifique (écrire, jouer sur Internet) permettent de faire vivre, de faire exister un personnage, de lui conférer une présence forte.

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Martine à la ferme [DS]

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