INTERVIEW > PEOPLE > Djamel Bensalah n’aurait-il pas fait qu’un film pour les enfants avec son Big City ? C’est tout le sujet de notre entretien avec le réalisateur !

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10 décembre 2007 : {show_category} > PEOPLE

Une vraie ville de western, un tournage au Canada et en Bulgarie, jusqu’à 80 enfants sur le plateau, des cascades, des explosions, et comme si cela ne suffisait pas, une réelle volonté de faire passer un message de tolérance. Pour son premier film pour la jeunesse, Djamel Bensalah a décidément tout osé…

{mosimage}Top-Parents : Big City a tout du film pour la jeunesse avec un casting composé presque uniquement d’enfants. Et si les jeunes spectateurs entrent dans l’histoire très vite, leurs parents peuvent être étonnés des accents de réalisme qui chamboulent nettement l’idée que le spectacle pour enfant est forcément sans ambition. Etiez-vous décidé à faire un film qui ne soit pas « confortable » pour les parents ?
Djamel Bensalah: Ça n’est pas de la provocation, sûrement pas. Mais j’ai envie de bousculer un peu, de provoquer la discussion, de critiquer sans crisper. Pour cela, le cinéma est un formidable générateur de liens sociaux.

T.P. : Big City opère comme une loupe grossissante passant sur les défauts les plus préoccupants des adultes. C’est très ambitieux… et dangereux ?
D.B. : Ça n’est pas un miroir déformant, mais un vrai miroir. D’office, nous avons placé l’action dans le registre non réaliste puisque c’est un western, mais sans volonté d’embellir. Sous l’illusion du passé, Big City est une métaphore de notre société, et si on y assure le spectacle, le réalisme s’adresse aux plus jeunes. Dans notre société, on leur fait sans cesse croire qu’il suffit d’un claquement de doigt pour que tout s’arrange et finisse bien. Notre message à nous c’est « vous n’avez pas de pouvoir magique ». Et surtout, « vous n’êtes ni débiles, ni crétins ». Non, il ne fait pas attendre d’avoir la majorité pour utiliser sa tête ! Je n’ai pas voulu effrayer, mais alerter. Ce film est comme une petite graine, qui grandit dans l’esprit et amène à réfléchir…

T.P. : Et la différence de réaction entre enfants et parents est souvent spectaculaire ?
D.B.: J’ai assisté à une quarantaine de projections, et le clivage est parfois spectaculaire. Les enfants s’éclatent, et les parents sont parfois heurtés.

T.P. : Il faut dire que vous revisitez sans ménagement la notion du « film pour enfant » !
D.B. : Le film pour enfant tel qu’on le vend aujourd’hui m’agace. Nous avons perdu l’impact de la fable, la profondeur du conte de fée. Le minimum que j’attends d’un film pour enfant, c’est qu’il soit au moins éducatif, nourrissant. C’est pour cela que Big City n’est pas un produit. D’ailleurs, il n’est pas « marketable »! Vous ne verrez pas de figurines articulées ou de jeu vidéo !

T.P. : C’est votre définition du cinéma ?
D.B. : Le cinéma m’a tout appris. Il m’a sauvé, je lui dois tout. Il s’avère que le cinéma d’aujourd’hui ne nourrit plus. Le « politiquement correct » a tout pourri. Tous les jours nous côtoyons de véritables problèmes, de vrais enjeux humains, que nous apprenons à ignorer. Mai que se passera-t-il si nous n’en parlons plus ?

T.P. : Pour imager le racisme, les haines, la parabole de Big City va loin. Le procès puis la punition par le fouet de Jefferson est une scène impressionnante.
D.B. : J’ai été moins loin que Yves Robert au cœur des années 60, pourtant bien plus strictes ! Dans La guerre des boutons, ce sont tous les gamins qui fouettent le pauvre gosse, qu’ils obligent à rentrer ensuite les fesses à l’air! Dans ce film inusable, c’est un racisme de voisinage, entre gamins de deux villages. Big City, ça nous gêne d’avantage parce que cela fait écho à notre quotidien…

T.P. : Le rappel au métier de la mère de l’entraîneuse, la scène du fouet… beaucoup d’éléments sont à même de heurter ?
D.B. : Etre heurté par le racisme ? L’injustice ? La violence ? Tant mieux ! C’est l’inverse qui serait choquant. Réagir à ces scènes, c’est un signe de bonne santé. Je suis peut-être un peu démonstratif, mais je ne sais pas comment faire autrement. Je suis sincère. Parce que c’est un film pour enfant, ce devrait être consensuel, marketé… En ce moment, c’est la cause environnementale qui marche très fort. Ça fait bien « vendre ». Je ne peux pas m’empêcher de penser que c’est pour beaucoup un bon moyen de ne pas nous regarder nous. Le disparition des ours, des lagons… moi, ce qui m’importe, c’est la disparition de l’humain ! En tant que cinéaste, j’ai une responsabilité, et lorsque je m’adresse aux enfants, je veux leur faire comprendre que l’on peut agir sur le monde… puisque j’ai réussi à faire ce film.

T.P. : Ne craignez-vous pas d’avoir été un peu loin pour certains parents ?
D.B. : Ceux qui ne tentent rien ne se trompent jamais. C’est aussi ma responsabilité. Et cela fait partie du message du film: pourvu que nous apprenions, nous pouvons tous nous tromper. Même les personnages qui ont choisi le mauvais côté, ou les mauvaises raisons, peuvent ensuite changer. Les enfants doivent savoir qu’ils ont droit à l’erreur. L’important, c’est d’essayer, de discuter, d’aller vers les autres.

T.P. : Finalement, Big City est un spectacle pour enfants qui s’adresse aux adultes ?
D.B. : Un « faux film pour enfant » ? En un sens, parce que le message est pour les adultes. Un moyen de pousser à renouer le fil du débat. Je rêve que mon film pose des questions, suscite des débats. Tous les films que j’aime ont cette capacité à porter plus de sens que leur simple histoire. E.T., La guerre des boutons, le prodigieux, La nuit du chasseur, Sa majesté des mouches… Même Certains l’aiment chaud est bien plus qu’une simple comédie !

T.P. : Et les enfants, comprenaient-ils les tenants et aboutissants des différentes situations évoquées par le film ?
D.B. : Ils n’ont pas tous lu le scénario en entier, et les plus jeunes ne comprenaient pas forcément tout. Mais si jamais il y avait un détail qu’ils ne comprenaient pas, ils n’hésitaient jamais à me poser la question. Le petit Telesphore, qui joue Jefferson, m’a posé des questions sur la scène où il doit se faire fouetter. Je lui ai expliqué comment cela se passait à l’époque, et il m’a dit « Mais c’est encore pareil! ». Il avait été témoin des émeutes de 2005, il comprend parfaitement ce qu’est le racisme. Tous les enfants du film m’ont épaté par leur intelligence, l’incroyable solidarité qu’il y avait entre eux. Ils m’ont conforté jours après jour dans ma démarche. C’est une génération incroyable, j’ai très envie de tous les retrouver pour une autre histoire…
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