CINÉMA > Big City n’est pas un film pour la jeunesse comme on a l’habitude d’en voir, avec un message pratiquement militant !
{tab=L'AVIS DE TOP-PARENTS}
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Big City n’est pas un film pour la jeunesse comme on a l’habitude d’en voir. Sous ses allures de parodie de western, Big City développe avec un casting d’enfants un message pratiquement militant. Une démarche audacieuse au point d’en être déstabilisant pour les adultes qui s’attendent à un spectacle consensuel et charmant. Un film que l’on pourrait rejeter sans plus de cérémonie, si les enfants auxquels il s’adresse n’y trouvaient de toute évidence leur compte…
{mosimage}1880, l’Ouest sauvage se partage encore entre cow-boys et indiens. A l’abri des conflits, la ville de Big City se développe comme toutes les villes champignons. Une paix qui s’effondre lorsque la caravane qui doit amener de nouveaux émigrants est attaquée par les indiens. Sans hésiter, tous les hommes âgés de plus de 12 ans prennent les armes et vont à leur secours. Et comme la bataille ne se calme pas, se sont les femmes qui partent à leur tour au combat. Au petit matin, la ville se réveille uniquement peuplée d’enfants. Seuls deux adultes ont échappé à leur funeste sort, Tyler le poivrot, et Benjo le simplet. En attendant le retour des adultes, la ville s’organise pour ne pas sombrer: Tyler est nommé juge, Banjo shérif. Et pour que la vie reprenne son cours, chaque enfant reprend le métier de ses parents…
{mosimage}Les enfants sont seuls, ils ont repris le rôle de leur père ou de leur mère, et la vie suit son cours. Jefferson, le petit noir, s’excuse auprès de la maîtresse pour son retard. Celle-ci l’invite à se mettre au travail. Le petit traverse la salle de classe, mais ne s’assoit pas derrière un pupitre. Il ouvre le placard au fond de la classe, en sort un seau, une serpillière, et commence à nettoyer par terre…. Courte et plutôt exemplaire dans son efficacité, cette scène représente bien l’esprit qui nourrit le film. Ceux qui espèrent voir un Bugsy Malone au Far-West risquent d’être méchamment bousculés. Si Big City a tout du film « pour enfant », s’il remplit plutôt bien sa part d’aventure et de spectacle, il n’en respecte pas les règles admises. Loin d’embellir la carte postale, il opère comme une loupe qui grossirait tous les défauts des adultes, illustrant de façon un peu trop appuyée tous les sujets qui « fâchent ». Et que l’on n’a pas l’habitude de présenter si hardiment dans un film étiqueté pour la jeunesse… Racisme, haine, peur de l’autre, discrimination, entre les cow-boys conquérants, l’épicier asiatique, les deux petits noirs à peine libérés du poids de l’esclavagisme, les filles dans un monde de macho, et les menaçants indiens, la matière ne manque pas.
{mosimage}Une fois le décor planté, le réalisateur glisse une scène de pur cartoon, histoire de donner le ton d’une fable. Mais les fables qu’il aime sont manifestement celles de la vieille école, qui ont du sens et ne lésinent pas sur les arguments. Après tout, même édulcorées au long des années, les contes de Perrault ou d’Andersen sont d’une cruauté surprenante. Le plus déstabilisant dans Big City est probablement la façon dont le réalisateur fait usage de la réalité, car sitôt la scène « légère » achevée, il épingle par la réalité de cette époque violente les maux de notre société. Ainsi, une récente Guerre de Sécession l’amène à montrer que les droits des ex-esclaves ne sont pas forcément rentrés dans les mœurs. Un réalisme qui devient cru lorsqu’il est représenté au quotidien: les revolvers ont de vraies balles, les haches tranchent vraiment, et lorsque les coups de poing tombent, le sang coule. Si la fille de l’entraîneuse vend des bisous, le symbole est limpide. Et lorsque la punition du fouet claque, la plaisanterie vire à l’aigre… Les adultes auraient assurément préféré que le film garde le ton de la fantaisie, mais c’est le réalisme qui mène la danse.
{mosimage}S’amusant avec respect du genre western, Bensalah réussit tout de même une belle performance pour son premier film pour enfants, aussi particulier soit-il : diriger 80 gamins en teintant la fable de crédibilité. Des enfants qui ne jouent pas tous forcément « juste », mais c’est le choix du réalisateur d’avoir privilégié l’instinct d’enfants entouré d’enfants, plutôt que de se focaliser sur le don d’un seul. Entre jeu et interprétation, la frontière est parfois un peu floue, comme l’est l’image de Big City de celle de notre quotidien… Le casting réserve d’ailleurs quelques surprises. Dans son rôle de beau héros pas si malin, Vincent Valladon confirme le talent déjà repéré dans ses précédents films. En maire machiavélique, meneur d’un quatuor de vrais méchants, Jérémie Denisty s’impose dès son second rôle au cinéma comme un acteur prometteur. N’oublions pas l’aisance du fils du borgne (Julien Frison) ou l’aplomb d’indiens très convaincants (Samy Seghir, Théo Gebel…). Du côté du trio de filles, irréprochables, une découverte s’impose dans le rôle particulièrement glissant de la fille de l’entraîneuse. La petite Charlie Quatrefages est surprenante…
{mosimage}Assurément trop démonstratif, Big City ose montrer ce dont on parle à mi-mot devant les plus jeunes, affirmer que la réalité n’est souvent pas magique, induire qu’un adulte, même un père, peut avoir tort. Une démarche qui serait bancale ou malsaine si elle n’était nourrie que par la provocation. Mais le film est trop sincère pour nous laisser cette facilité. Ce film déclenchera peut-être des levers de boucliers et d’indignation parce qu’il ose remettre en question la sacro-sainte règle qui consiste à préserver la jeunesse de tout ce qui pourrait la choquer. L’expérience de la salle est alors très instructive. Conscients de toutes ces injustices, les enfants apprécient bel et bien de se voir ainsi présenter la chose sous les atours d’une aventure décalée. S’amusant de l’aventure, frémissant quand la réalité rattrape la fable, ils ne ratent rien des références aux travers de nos sociétés. Big City est un film pour enfant qui pose un problème… aux adultes.
{mosimage}Anti-Disney, politiquement incorrect, Big City est un film pour enfant avec une réelle volonté de débattre, de bousculer, de réveiller. Mais pour les parents, c’est peut-être mettre la barre un peu haute. Sûrement trop pour qui se serait laissé abuser par une présentation trop candide. Seuls ceux qui sont prêt à faire face à des questions en rafale de la part de leurs rejetons iront en salle le cœur léger. Car il serait trop facile de classer Big City comme un film déplacé, équivoque ou simplement raté. Ce serait nier la capacité de l’enfant à percevoir le monde extérieur, et son désir d’en parler.
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