Les trésors cachés de Michel Ocelot

{xtypo_dropcap}L{/xtypo_dropcap}e succès de Kirikou ne doit pas faire oublier les précédentes œuvres de Michel Ocelot. C’est à cette re-découverte que ce DVD s’emploie, sortant de l’ombre des perles d’animation. Une indispensable réhabilitation associée à de précieuses interventions de l’auteur. A ne pas louper !

Si l’univers de Michel Ocelot a explosé en 1998 avec Kirikou, ce créateur à part explore son imaginaire depuis le début des années 80, réalisant des courts métrages portant sa "patte" et son savoir-faire. Ce DVD est une opportunité unique de redécouvrir des films magiques et introuvables, mais aussi de saisir l’ensemble de l’œuvre de Michel Ocelot dans toute sa variété. La boite au trésor contient 9 références à explorer sans modération. Les 3 inventeurs est son premier film indépendant, une sorte de "chef d’œuvre" à la façon des Compagnons pour parachever la fin de la formation. Entièrement réalisé en papier découpé, c’est une véritable prouesse de finesse et de délicatesse qui n’a rien perdu de sa magie. Un beau conte dont la fin très triste est adoucie par une fin à tiroir. La légende du pauvre bossu est à l’inverse très simple puisqu’en grande partie constitué d’illustrations dans le style des gravures du moyen-âge. Racontant une histoire cruelle, l’abord sobre n’en rend que plus efficace un très beau final animé. Un film qui lui apporta la reconnaissance avec un César en 1983. Réalisé cette même année, La princesse insensible est une série, commandée par la seconde chaîne de l’époque, Antenne 2. Mêlant découpage et animation classique, cette suite de 13 épisodes de 4 minutes mettait en scène une petite princesse impassible devant les prodigieux spectacles de princes tentant de la séduire. Jusqu’à ce qu’un petit écolier ne découvre le secret de son "insensibilité" dans le dernier épisode. Une série absolument charmante.

Ocelot avait signé le concept d’une autre série : Ciné Si. Utilisant avec une maîtrise remarquable la technique du papier découpé en silhouette, l’histoire avait lieu dans un cinéma abandonné au milieu des immeubles. Le premier épisode, Icare, commençait par une présentation historique du mythe d’Icare et du labyrinthe avant de s’approprier l’histoire et d’en livrer une version très personnelle. Dans la même série, mais sans la présentation ni l’introduction didactique, vous pouvez redécouvrir La belle fille et le sorcier et les superbes Bergère qui danse et Le prince des joyeux, qui annoncent par leur qualité le futur Princes et Princesses. Earth intruder est un complet changement de registre puisqu’il s’agit du clip réalisé pour la chanteuse Bjork. Surprenant mais réussi ! La sélection se conclut par un "post scriptum" très émouvant et totalement inédit. Après le succès de Azur et Asmar, Michel Ocelot a reçu une suite à son film, écrite par des écoliers de Beyrouth. Bouleversé par le texte, et rejoint dans sa démarche par toute l’équipe du film, compositeur et acteurs de doublage compris, Michel Ocelot a réalisé cette belle "pré-animation" en noir et blanc, faisant directement suite au film sorti en salle. Racontant la réconciliation d’Azur et de son père à l’heure de ses noces, ce bonus a une valeur d’autant plus touchante que cette histoire de fraternisation et d’amour a été écrite par des enfants qui subissaient à nouveau un quotidien de violence.

La richesse de ce DVD tient aussi à la section Comment on fait où Michel Ocelot nous emmène en sifflotant dans ses souvenirs. Et il ne se contente pas de raconter ! Il sort ses archives, met en mouvement, explique, détaille, dévoilant ses trucs, du système magnétique pour éviter les dérapages à sa passion pour les napperons de pâtissier ! Des trésors d’ingéniosité dévoilés avec tant de simplicité et de pragmatisme que l’on aurait envie de prendre une feuille, un ciseau, et de s’y mettre soit-même… Le sujet sur les films en ombres chinoises est particulièrement riche de ce point de vue, le récit des souvenirs se transformant vite en un véritable atelier. Fabrication et animation des pantins de papier, comment faire des étoiles avec du beurre et un peigne, tout y passe et c’est passionnant. Revenant sur l’aventure du post-scriptum apporté à Azur et Asmar, Ocelot explique le rôle de la cinématique qui a servi à mettre cette mini-suite en image, avant de nous parler d’une série avortée, celle de Gédéon, le héros bien connu de Benjamin Rabier. Une présentation frustrante mais malicieusement menée, puisque pour des raisons de droit, aucun épisode n’a pu être présenté dans ces bonus…
 

Frédéric Lelièvre

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